Tout le monde ment

3min -
Tout le monde ment

Il y a quelques années, une célèbre série médicale américaine mettait en scène un médecin diagnosticien, brillant mais anticonformiste et rétif à toute autorité. Chaque épisode était une véritable enquête pour tenter de savoir de quelle maladie (généralement rare) souffrait un patient.

Ce médecin écoutait peu le malade. Cela ne servait à rien car selon lui « tout le monde ment » et le questionnaire médical n’obtiendrait au mieux que des réponses approximatives voire fausses. On a tous connu cela quand on nous demande « Combien de cigarettes fumez-vous par jour ? » (moins de 10) ou « Mangez-vous sainement ? » (oui des légumes à chaque repas et je fais trente minutes de sport par jour).

Dans les débats actuels sur la transition énergétique dans le transport, on ne peut que mettre en exergue cette phrase même si c’est politiquement très incorrect.

Entre certains constructeurs qui vous affirment, les yeux dans les yeux, qu’ils pourront produire en masse des véhicules électriques à des prix accessibles d’ici 2030, certains énergéticiens qui sont définitifs sur la disponibilité totale d’une électricité décarbonée et de stations de recharge puissantes et rapides. Ou du gaz qui sera une énergie moins chère que le pétrole, et largement compétitif. Franchement soyons sérieux, soit personne n’en sait rien, soit ce qui est dit est à destination de ceux qui veulent y croire.

C’est un peu comme l’inflation qui devait plafonner et ne pas durer, les taux d’intérêt qui devaient rester durablement bas, la croissance monter jusqu’au ciel, etc. 

Ceci est valable sur tant de sujets que la place manque pour les lister tous.

Le pire c’est quand on sait que quelqu’un ment, que lui-même sait que vous savez qu’il ment, et que chacun fait semblant de croire à un récit.

La réalité qui se dessine est tout autre. Le moindre camion neuf ne peut pas être livré avant fin 2023. Et encore on donne cette échéance comme on dirait à la « Saint Glinglin ». L’énergie quelle qu’elle soit sera durablement chère et pas forcément décarbonée. En outre, si on raisonne en analyse globale de cycle de vie, la technologie électrique n’est pas -pour l’instant- aussi vertueuse qu’on le voudrait en termes de lutte contre le changement climatique. Quant au modèle gaz, vu les prix, il est en train de s’effondrer.

On fixe des calendriers au petit bonheur, pour les ZFE, pour la transition écologique et le moment venu, faute de tenir les délais, on fera soit des reports soit des dérogations, soit les deux. On parle de « croissance verte » mais personne ne sait réellement comment c’est possible.

Il y a une réelle urgence climatique, le GIEC parle d’un maximum de trois ans, mais dans trois ans rien ne sera prêt. Qu’importe en France ou en Europe, tout le monde le sait, mais il ne faut pas le dire, pas l’afficher au risque de passer pour un « anti ». Pourtant la question est bien trop sérieuse pour qu’on se prive d’un minimum de réalisme et de pragmatisme.

Edgar Morin, philosophe centenaire et grand témoin de notre temps, a récemment twitté une phrase qui résume bien la situation : « Je répète inlassablement qu’il faut abandonner l’alternative croissance/décroissance, pour combiner croissance de l’utile, du sain, du culturel, décroissance de l’inutile, du malsain, de l’illusoire ».

Le Bac Philo approche. Vous avez quatre heures.

Florence Berthelot

Haut de page