Il n’y en aura pas pour tout le monde

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Il n’y en aura pas pour tout le monde

Alors que le dossier de la transition énergétique est LE dossier majeur du secteur des transports et notamment du transport routier de marchandises, on peut constater un certain nombre de « bizarreries » qui interrogent sur le partage des préoccupations par tous les acteurs concernés.

Pour faire court, pas une réunion, pas un groupe de travail aujourd’hui où, de manière nette et affirmée, il ne soit pas affirmé que le salut de la décarbonation dans le transport routier ne passera que par la technologie électrique. GNV, HVO, XTL sont quasiment mis de côté ou fléchés vers d’autres secteurs où la solution électrique n’est pas adaptée.

Motif : concernant chaque énergie alternative, il n’y en aura pas pour tout le monde...

Ce qui n’est pas si certain que ça mais passons...

A orienter tout un secteur majoritairement vers une seule solution, d’autres questions se posent : prix des véhicules, capacité de production desdits véhicules, disponibilité de l’énergie à l’heure où on nous parle de « délestages » (autrement dit en français des coupures de courant), et prix de ladite énergie (quand nombre de petits commerces, boulangers, bouchers et autres, ferment le rideau faute de pouvoir payer leur facture d’électricité).

La transition coûte et coûtera cher. Les transporteurs ne pourront pas en assumer la charge seuls. Tout le monde en convient et on imagine un partage de ce coût avec les clients (transport plus cher) et avec l’Etat (mesures d’accompagnement).

Et c’est là qu’on découvre les résultats d’un appel à projets dénommé « Ecosystème des véhicules lourds électriques ». Doté d’une enveloppe de 65 millions d’euros, ce dispositif visait à financer l’achat ou la location de véhicules électriques lourds ainsi que l’installation de bornes de recharge.

Et ô surprise (désagréable), à l’occasion du Comité Interministériel on découvre que sur les 64 projets présentés, le soutien de l’Etat financera 545 véhicules électriques neufs dont (tenez-vous bien) 236 bennes à ordures ménagères, 204 autobus, 21 autocars et... 84 camions.

84 camions... mais 236 bennes à ordures ménagères. On reste sans voix.

Si le soutien de l’Etat ne porte à chaque fois que sur un nombre aussi infinitésimal de véhicules de transport de marchandises, on n’est pas sorti de l’auberge.

Au prix des véhicules concernés (4 à 5 fois le prix d’un camion diesel), au vu des marges très faibles des entreprises de transport, au regard des capacités d’investissement qui se réduisent (voir les études Banque de France réalisées pour la FNTR chaque année et présentées au Congrès), on ne voit pas comment on va financer la transition énergétique dans le secteur.

D’autant que, les établissements bancaires ont quand même affiché une très grande frilosité à consentir des prêts aux entreprises de transport pour des véhicules de ce type. Et surtout en ce moment.

Manifestement, dans une logique de planification écologique, il manque le nerf de la guerre : l’argent.

Et si on ne peut pas passer son temps à tendre une main de quémande vers l’Etat, il y a manifestement quelque chose à repenser totalement sur ces appels à projets. Il serait peut-être judicieux d’établir des proportions d’attribution en considérant le volume des flottes à décarboner.

Si vous l’avez c’est qu’un camion vous l’a apporté. Pas une benne à ordures ménagères.

Florence Berthelot

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