« Vous avez deux minutes »

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« Vous avez deux minutes »

C’est par ces mots qu’il nous est indiqué que nous devons résumer des mois, des centaines d’heures de travail sur la décarbonation des véhicules lourds. Ensuite on donnera une minute pour parler du transport de marchandises et des VUL, une minute pour parler des cars et bus, et une minute pour les engins des travaux publics. Présentation de deux vidéos de transporteurs, conclusion et ouste. Tout cela doit être bouclé en une demi-heure.

La remise des feuilles de route de différents secteurs émetteurs de gaz à effet de serre a eu lieu le 24 mai. D’abord, l’automobile, puis les véhicules lourds (les transports routiers) et ensuite le bâtiment et le logement. Tout est minuté. L’ensemble de l’évènement auquel participe quatre ministres doit durer 1 heure et demie.

Sauf que tout tourne de travers. La remise de la feuille de route de l’automobile prend une heure. On nous enjoint par texto de tenir les délais. Les représentants des constructeurs affichent des chiffres de prévisions de motorisations à horizon 2030 qui ne sont pas du tout ceux qui ont été travaillés pendant plus de neuf mois. Les vidéos sont purement et simplement zappées sans aucune considération pour Pascal Megevand, notre adhérent qui a participé aux travaux et à la vidéo et qui est dans la salle.

Nous soulignons que les travaux établissent que, pour les poids lourds, la solution est dans le mix énergétique et pas dans l’électrification à tous crins. Ça dérange.

Il semblerait que la remise de la feuille de route du bâtiment et logement ait pris également plus d’une heure. Tout un symbole pour certains du peu de considération pour les transports routiers de personnes et de marchandises pourtant si indispensables.

Pourtant le travail sur cette feuille de route est aussi considérable que majeur. Loin des incantations, on est revenu au réel sur ce qu’on peut faire ou pas en termes de transition énergétique et dans quels délais.

Et après ? A priori, un comité scientifique va juger de la pertinence de tous ces travaux.

Bizarre. Personne n’en a jamais parlé.

Une semaine après, nous voilà conviés à un point d’étape de l’atelier « Climat et biodiversité » du Conseil National de la refondation (ah tiens ça existe toujours ?). La dernière réunion date de décembre 2022. On y parle surtout des transports (tous les transports) dans la logique de planification écologique : transports collectifs, transport de marchandises, ferroviaire, co-voiturage, vélos, sobriété et « démobilité ». Et là stupeur : les objectifs affichés pour les véhicules de transport de marchandises ne sont pas ceux de la feuille de route remise une semaine avant.

On le fait remarquer. 80 000 poids lourds électriques (à batterie) à horizon 2030, cela parait difficile. Parce qu’il n’y aura pas que les véhicules mais aussi la nécessité de bornes de recharge rapides et à forte puissance sur l’ensemble du territoire. Donc on réaffirme la nécessité d’un mix énergétique.

A nouveau, le représentant des constructeurs proteste : l’objectif en électrique est réaliste et il veut nous en convaincre. D’autres intervenants prennent la parole. Qui pour témoigner des réunions au niveau des territoires, qui pour parler du versement mobilité ou du stationnement. Pour les plus anciens, on a l’impression de revivre « les Assises de la Mobilité » de 2017.

Deux heures et demie pour entendre que dans la logique de la planification à venir, il faudra se revoir.

Ah oui ça c’est certain ! Car bien malin aujourd’hui peut prétendre y voir clair entre la stratégie des constructeurs, la stratégie des énergéticiens, la stratégie de l’Etat, les efforts de tous, les hausses de coûts, la faisabilité, et les financements. Entre autres.

En cette période d’examens, que dire d’autre que « vous avez quatre heures » (minimum).

On progresse….

 

Florence Berthelot

 

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