La dame t’explique…
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Après deux mois à marche forcée, la Conférence Ambition France Transports se termine.
Cela ne devait pas être le « concours Lépine de la taxe ». Il fallait avoir de l’ambition, être innovant, flécher les recettes existantes vers les infrastructures. Quatre ateliers ont planché sur les Services express régionaux métropolitains, le transport ferroviaire, la fin des concessions autoroutières et le financement du réseau non concédé, le report modal et la décarbonation du fret.
Déjà dans ce dernier atelier, l’une des conclusions que personne n’a vraiment écrite mais qui a pourtant été énoncée (par la FNTR évidemment) : personne ne voulant la payer ou accompagner les transporteurs dans la transition énergétique, la décarbonation ne se fera pas ou dans très très longtemps.
Avec le « séminaire de convergence » du 3 juillet, on se doutait que les choses ne seraient peut-être pas aussi simples qu’on ne l’avait imaginé. On a vu sortir des idées assez farfelues du style : les régions qui ne mettront pas en œuvre le versement mobilité régional, et les écocontributions régionales pour les poids lourds, ne recevront plus de dotations de l’État (ou beaucoup moins). Ben voyons.
Et surtout, on se doutait que loin de se contenter de l’existant, de nouvelles recettes allaient être créées. Transporteurs, attendons-nous donc à un gros rabot de ristourne TICPE.
La clôture du 9 juillet, jour de la Sainte Amandine, n’a pas failli.
Cela n’a pas loupé car, si effectivement, une ambition en matière de transport est affichée avec l’annonce d’une loi-cadre (et pas une loi de programmation, nuance…) si on affiche les besoins, on affiche également de nouvelles recettes.
À cette occasion, permettez-nous de souligner le moment le plus marquant en ce qui nous concerne. Lors de la journée consacrée aux investissements à Bercy, plusieurs temps forts se sont succédé. D’abord le ministre de l’Économie a demandé à ce que l’on aille chercher les fonds européens. C’était le sens de la contribution de la FNTR dans cette conférence. D’autres pays membres piochent allégrement dans ces fonds, pourquoi pas les Français ? Ensuite, le même ministre invite à aller d’abord chercher l’argent chez les investisseurs institutionnels et ensuite de compléter avec l’argent public. La ministre des Comptes publics souligne que sur 70 milliards de recettes liées aux mobilités, un tiers va à l’investissement et deux tiers vont aux dépenses de fonctionnement. (Y aurait pas comme un problème ?)
Mais surtout parole a été donnée à l’ambassadrice de Suisse, pays dont le modèle en matière de politique de transport et de financement a été longtemps exemplaire. Certes, le modèle est à la peine en ce moment mais on apprend qu’il existe un fonds pour le ferroviaire alimenté chaque année par plusieurs quotes-parts de taxes diverses. Avec le montant total affecté, on investit dans différents projets.
Assez révélateur, la réaction dans la salle notamment d’élus locaux ou territoriaux : « Mais comment faites-vous si vous avez besoin de plus ? ».
La dame t’explique que si tu n’as pas les sous tu ne fais pas. C’est tout. Ça s’appelle de la saine gestion de père ou de mère de famille.
Stupeur dans la salle. Mais non. Impossible ! L’argent public en France est une drogue dure. L’un veut 30 milliards, l’autre prétend qu’il en faudrait le double. Et la logique qui prévaut de ce côté c’est « j’ai besoin de tant d’argent, donc je crée des impôts supplémentaires ». Aucune priorisation. Rien de raisonnable.
Deux mondes, deux logiques.
Ce spectacle était tellement celui de notre mal français ! Les représentants du monde économique, des opérateurs privés regardaient tout cela avec consternation.
Les grandes lignes du budget vont être annoncées dans quelques jours. On nous dit qu’il faudra faire des économies. Parions que ce sera d’abord rabot sur rabot, diminution d’allègements de charges mais pas de vraies économies.
Pas celles, comme la dame t’explique, que quand t’a pas les sous, tu dépenses pas. Mais cela doit être trop simple. Ou alors il faudrait commencer par une sérieuse cure de désintoxication.
Florence Berthelot