Un fluenceur, une fluenceuse ?

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Un fluenceur, une fluenceuse ?

« Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? ».

« Je veux être influenceur ! »

Les temps ont changé : avant on voulait devenir astronaute ou hôtesse de l’air (comme Jacques Dutronc) maintenant de nombreux jeunes, noyés dans les réseaux sociaux veulent faire de « l’influence ».

Le terme est vaste et les situations variées : jusqu’ici, on avait l’habitude de désigner par ce terme des personnes très exposées sur internet et dont la médiatisation pouvait influencer les comportements de consommation de son audience.

Le Larousse 2017 évoquait même la notion d’expertise.

Il suffit de faire un tour sur les applications prisées par les jeunes pour vite se rendre compte qu’on trouve sans doute beaucoup de placeurs de produits et très peu d’expertises. On pourrait être effarés par le nombre de très jeunes femmes déjà bien abimées par la chirurgie esthétique, au point qu’elles se ressemblent toutes, y compris dans les postures dont celle, incompréhensible, de se filmer avec le smartphone en hauteur d’une main et en se lissant les cheveux frénétiquement de l’autre.

On n’oubliera pas du côté des garçons, les « gamers » qui « streament » en direct (quel charabia...), en commentant leurs faits et gestes, tout en glissant des messages sur tel produit ou service.

D’ailleurs si vous ne tenez pas 5 minutes devant ce genre de spectacle, c’est que vous êtes beaucoup trop vieux. Vous avez au moins trente ans.

Ou alors, vous êtes tout simplement « normal ».

Devant le développement de cette pratique, quelques scandales se sont aussi faits jour.

A ce point des dérives du n’importe quoi, le Gouvernement a voulu agir. Après la publication d’un guide de pratiques rappelant les obligations sociales et réglementaires, (oui personne n’y échappe) une loi va être débattue à l’Assemblée nationale pour résumer cette « activité » : interdiction de faire la publicité pour certains produits ou de faire la promotion de la chirurgie esthétique, encadrement des revenus des influenceurs mineurs ( !), création d’une « brigade » dédiée à la DGCCRF. L’Etat a décidé de taper du poing sur la table.

On s’attachera néanmoins à la nouvelle définition légale de l’influenceur : « toute personne physique ou morale qui crée et diffuse, à l’intention du public français, par un moyen de communication électronique, des conseils ou contenus faisant la promotion, directement ou indirectement, de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ».

L’œil de juriste voit immédiatement que, dans l’objectif de cibler certains cas extrêmes, et notamment de personnes qui opportunément se sont délocalisées à l’étranger, on ratisse large.

Parce qu’à ce compte-là, il y a énormément de monde qui fait de l’influence. Parfois pour faire purement et simplement de la publicité. Mais aussi parfois dans un but non pas directement personnel mais pour promouvoir (au hasard) un secteur d’activité dans une perspective collective, mais qui peut apporter un bénéfice aux entreprises.

La preuve en est dans les tentatives, pleines de bonne volonté mais quand même un peu décalées, de vouloir recourir aux influenceurs ou influenceuses pour attirer l’attention de potentiels jeunes candidats dans le transport routier pour remédier aux problématiques de recrutement.

Quand vous émettez quelques réserves sur la pertinence de recourir à ce marketing, on vous répond immédiatement que c’est pour atteindre un public jeune, que vous ne comprenez rien etc…

On ne peut s’empêcher de penser que ce que voit surtout le public recherché, c’est ce rêve de gagner sa vie, soit en jouant, soit en se filmant, pour aller ensuite se dorer la pilule au soleil au volant d’une voiture de sport.

Et pas forcément de conduire un camion.

Décidément, c’est une drôle d’époque. C’est probablement l’heure d’aller prendre nos gouttes (on ne donnera pas la marque).

Florence Berthelot

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