Real politik

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Les travaux menés par la Task Force sur la transition énergétique du transport routier de marchandises sous l’égide du ministère des Transports ont le mérite d’éclairer singulièrement le débat. Ce dernier consistant la plupart du temps en des incantations et des vœux pieux.

L’objet est d’aboutir à un agenda partagé sur les étapes à venir de la transition énergétique des camions (et des bus et autocars), les technologies disponibles, la rentabilité économique. Et surtout à des scenarii crédibles et réalistes de qu’est-ce qui peut être fait, et quand.

Lors d’un point d’étape le 20 mai, une synthèse intermédiaire a été réalisée. On y note que parmi les technologies propres envisagées, l’électrique n’a pas du tout l’avantage en termes économiques, et l’hydrogène est plus que lointain. Les constructeurs, contraints par des Directives européennes, tiennent un discours évoquant l’existence à terme de telle ou telle offre, sans pouvoir s’engager (et on les comprend) sur des productions massives à court ou long terme.

Ceux que l’on n’a pas entendus, faute certainement de les avoir interrogés, ce sont les énergéticiens. Car deux sujets majeurs doivent encore être abordés : la disponibilité des énergies alternatives au diesel, et ensuite le déploiement de réseaux fins d’avitaillement sur l’ensemble du territoire. Ce n’est pas le tout de disposer de nouveaux véhicules propres, encore faut-il disposer du carburant qui va les faire rouler.

Vu la puissance requise, le problème se pose de manière très différente qu’il ne s’est posé pour les véhicules particuliers.

Le Gouvernement affirme qu’il fera tout pour que les énergies soient disponibles. Comment ? Mystère…

Partant que le secteur des transports n’est certainement pas le seul à devoir faire cette transition, cette question est d’importance. Y aura-t-il du biogaz, des biocarburants, des carburants de synthèse, de l’hydrogène décarboné, et de l’électricité verte (et donc – chut – nucléaire) pour tout le monde ? Déjà les experts se déchirent sur ce sujet, qui est la clé de voûte de tout le reste.

Un autre point doit être souligné : comment va-t-on calculer la réduction des gaz à effet de serre ? « Du réservoir à la roue » comme aujourd’hui, ce qui est plus que réducteur ? « Du puit à la roue », ce qui est déjà mieux. Ou en cycle complet de vie, ce qui signifie en tenant compte des émissions lors de la fabrication des véhicules, de la production de l’énergie, et ce jusqu’à la fin de l’utilisation des véhicules (recyclage compris). Cette dernière approche est la seule qui puisse véritablement percevoir quelle technologie sera la plus efficace en termes de réduction de CO2. Mais ce n’est pas elle qui est retenue pour l’instant.

Une certitude : la transition énergétique va coûter très très cher. En soi, c’est un choix pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais il est tout aussi certain que les transporteurs ne pourront pas en assumer seuls le coût. Chacun aura sa part, des constructeurs aux énergéticiens, de l’Etat aux chargeurs, et sans oublier bien entendu les consommateurs eux-mêmes.

Le débat est posé dans toutes ses dimensions. Et les transporteurs ne tiennent pas à ce qu’il soit tronqué ou abordé de manière minimaliste. Il n’y aurait rien de pire que d’aboutir à des conclusions irréalistes pour, dans quelques années, constater qu’on s’est trompé.

On a des précédents… et pour cela il faut regarder du côté du rail. Depuis des décennies, on annonce régulièrement le doublement de la part modale du ferroviaire, et depuis des décennies, elle n’a cessé de régresser.

Le temps est venu d’une politique réaliste. Quand on regarde les débats de la loi « Climat et résilience », ou certains rapports parlementaires, on peut se dire qu’on en est encore très loin.

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