Qui paie ses dettes s’enrichit ?

3min -
Qui paie ses dettes s’enrichit ?

Voilà bien un dicton français assez difficile à comprendre. Il fait régulièrement l’objet d’exégèse, chacun y allant de son couplet comme quoi c’est vrai ou au contraire c’est faux, ou encore qu’il s’agit d’une allégorie et qu’il faut le prendre au sens symbolique.

Peu importe : le « qui paie ses dettes s’enrichit » susciterait -par opposition- la proposition « qui ne paie pas ses dettes s’appauvrit ». Ce qui est partiellement vrai pour les particuliers. Et plus douteux encore dans le monde des affaires.

Un emprunt significatif permet de faire des investissements dont on peut souhaiter que le retour s’avère très profitable. Il y aurait même des exemples d’actualité où des entreprises archi-endettées s’enrichissent. Là où ça coince c’est lorsque les gains ne permettent pas de rembourser les échéances. La descente aux enfers peut être, alors, assez rapide.

Cependant, le raisonnement s’arrête quand on parle d’un État. Et le fait est que depuis quelques jours, on semble découvrir que la France est un pays très endetté (3 100 milliards d’euros de dettes). Les ministres en charge d’élaborer les budgets, les députés qui les valident (dès lors que l’on n’est pas en procédure bloquée), tout le monde vient se tordre les mains sur les plateaux de télévision. Mais comment se fait-ce ? Que faire ? Qui a des idées ?

Et nous, pauvres citoyens, regardons cela en nous demandant si on se moque de nous. Car cela fait longtemps que nous savons que nous sommes très endettés.

En cause, le problème de recettes… à cause du ralentissement économique. D’accord, mais cela suppose que l’on réduise les dépenses non ? Ou peut-être qu’on dépensait déjà trop « avant ». Cela fait seulement 50 ans que notre pays est en état de déficit public. Le dernier budget présentant un solde positif remonte à…1974.

Donc jouer la surprise aujourd’hui est tout de même un tantinet croquignolet. Chaque année, la Cour des comptes fustige un État trop dépensier, et tout le monde s’en moque. Et quand on dit réduisez vos dépenses, il y a toujours un élu pour demander dans quelles dépenses il faut couper : la santé, l’éducation nationale, la police, l’armée ? Le problème, c’est que les services publics marchent de moins en moins bien. Malgré une « digitalisation » où l’administré fait l’essentiel du travail, l’administration n’ayant plus qu’à vérifier derrière la conformité des dossiers.

Et ça marche tellement bien n’est-ce pas ? Parlez-en aux entreprises et aux salariés du transport : délais de délivrance des titres professionnels, ou des permis de conduire, ou des cartes de chronotachygraphes….

On parle maintenant de porter les efforts sur l’assurance-chômage en réduisant la durée d’indemnisation. Alors qu’il y a clairement une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi qui suppose de faire encore de gros efforts sur la formation. Mais voilà que les fonds alloués à la politique de formation fondent comme neige au soleil.

Et en plus, on a gardé ce système absurde (et manifestement on entend le prolonger) de mettre seulement sept secteurs (dont transport et entreposage) à l’amende par le biais d’un dispositif « bonus-malus » où en fonction d’un taux de séparation calculé par l’administration, et même si un salarié quitte une entreprise non pas pour s’inscrire à France-Travail mais pour faire autre chose, on paie un surcoût de cotisation d’assurance chômage. Alors que l’on va encore raccourcir la durée d’indemnisation. Aucune logique. Partout, on clame qu’augmenter les impôts est absolument inenvisageable. Et pour cause, la France est déjà l’un des pays les plus fiscalisés du monde.

Mais on sait que quand l’État dit « jamais », cela veut dire « bientôt ». Nous surveillerons donc avec attention toutes les augmentations de taxes à venir, ou le rabotage de certaines ristournes (sur le carburant par exemple). On est un peu rôdés.

De fait, on n’a pas payé nos dettes, on s’est appauvris. Et si on commence à vraiment vouloir les rembourser, on va s’appauvrir encore plus. Très réjouissant.

Quant à aller piocher dans les dictons, n’oublions pas que « tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse ».

Florence Berthelot

Haut de page