Questions de normands

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« Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas parce que vous avez une économie prospère qu’il faut créer des infrastructures de transport performantes, mais c’est parce que vous avez des infrastructures de transport performantes que l’économie locale se développe ».

Bon, les mots ne sont pas exactement ceux-là mais c’est l’esprit.

Là, forcément vous tendez l’oreille. Enfin ! Enfin une personnalité politique qui le dit dans le bon sens ! L’élu en question est Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la région Normandie en charge des transports et des mobilités (Dieu que c’est agaçant de voir le mot « mobilités » rajouté à toutes les sauces !).

Il est venu ouvrir l’assemblée générale de la FNTR-FNTV Normandie. Il faut avouer que cette région a plus d’une particularité dans le domaine des transports. C’est la seule région qui n’a pas un aéroport qui soit au mieux celui d’un aéro-club. C’est aussi la seule région qui n’a pas de TGV.

Mais il y a des ports très importants dont évidemment le plus grand port français : Le Havre. L’ambition est de passer de 3 millions de containers par an à 6 millions. Transporteurs routiers, soyez prêts… Bon d’accord, on va faire comme si les grèves à répétition de ces derniers mois n’avaient pas entamé pour longtemps l’attractivité des ports français en Europe.

La région entend bien capitaliser sur ses atouts. Mais il y a encore du boulot notamment sur l’amélioration des « nœuds modaux », les dessertes. Le développement du tourisme, avec son pendant sur les croisières est aussi présenté comme piste.

Cependant, pour aller au Havre, soit vous prenez la voiture, soit vous prenez le train. Pour être politiquement correcte, c’est là que vous dites, comme les messages diffusés en fin de trajet par la SNCF, « vous avez choisi le mode de transport le plus durable ». Non, vous avez surtout choisi le mode le moins fatigant.

Et vous cheminez dans un « teuf-teuf ». Deux heures et quart à l’aller, deux heures au retour. Oui, on est arrivé avec 15 minutes d’avance à Paris, le conducteur devait être pressé. Soyons justes, le teuf-teuf en question est un TER. Cela a un côté rafraichissant. Cela rappelle l’époque où il n’y avait pas de ligne à grande vitesse. Les vaches regardaient passer les trains et on avait le temps de contempler les vaches.

Oui les jeunes, il y a des trains avant les TGV où on mettait deux à trois plus de temps pour se déplacer. Il y avait même encore des trains de nuit dans lesquels on ne pouvait de toutes façons jamais dormir à cause du bruit d’enfer et des couvertures qui grattaient. (Pourquoi cette impression d’avoir cent ans tout à coup ?).

Ironie de l’actualité, en validant le schéma directeur de la Région Île-de-France, le Conseil d’État a validé l’abandon de la ligne nouvelle Paris-Normandie qui visait justement à améliorer cette ligne-là. Obscur conflit entre les régions, l’Île-de-France ne voulant pas de travaux lourds qui allaient gêner les riverains et augmenter l’emprise ferroviaire, le projet est pour l’instant stoppé, au désespoir des Normands.

Jean-Baptiste Gastinne fait remarquer que ces projets programmés sur 25 ou 30 ans ont le temps de subir tous les changements politiques possibles, voire même les revirements d’une même gouvernance, qui un jour dit oui, puis le lendemain dit non. Une réponse de normand en quelque sorte.

« En France, on se donne les moyens de ne pas faire » conclut-il.

(Note pour moi-même : penser à le rappeler durant les dernières réunions d’Ambition France Transports. Ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est d’abord une question de vision.)

Florence Berthelot 

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