Pitch ou speech
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Le mot pitch est un mot qui est assez prisé de la « start-up nation ». Ce mot en anglais a tellement de signification que l’on pourrait s’y méprendre. Il vient d’elevator pitch et peut être décrit comme un argumentaire précis et convaincant dont la durée ne devrait pas dépasser pas le délai mis par un ascenseur entre le rez-de-chaussée et le dernier étage.
Sans nul doute un ascenseur américain dans des gratte-ciels vertigineux car, si l’on prend l’ascenseur de la copropriété, c’est sûr que l’on a juste le temps de dire bonjour. En plus, on tombe parfois sur le voisin grincheux qui ne dit ni bonjour ni au revoir. Passons.
C’est à ce genre d’exercice que les organisations professionnelles du transport ont été priées de se livrer dans le cadre de la fameuse conférence Ambition France Transport. Juste pour préciser qu’il y a 4 ateliers, que les OP du transport sont membres de l’atelier 4 qui porte sur le « report modal et décarbonation », mais qu’elles auraient bien voulu siéger aussi à l’atelier 2 qui parle de la fin des concessions autoroutières et du financement de l’entretien et du développement du réseau routier non concédé.
Qu’à cela ne tienne, nous avons été glorieusement invitées à être auditionnées par l’atelier 2. Audition est un bien grand mot : 5 minutes par organisation et quelques minutes de questions-réponses. C’est donc bien un pitch.
Le thème central : qui va payer ? C’est curieux comme on nous regarde lourdement d’un coup. Réponse : pas nous les transporteurs. On paie déjà. Sauf que l’argent ne va pas où il devrait. Les arguments sont connus, reconnus et mille fois ressassés.
Certains dans l’assistance s’énervent un peu. Si les transporteurs routiers n’y mettent pas un peu du leur, où va-t-on ? Non, on ne peut pas taxer que les camions étrangers. Non cela ne résoudrait pas le problème de différentiel de compétitivité car les concurrents européens resteront de toute façon moins chers.
(Pourquoi a-t-on l’impression d’avoir vécu cent fois cette scène ?)
« Alors vous proposez quoi ? » Eh bien de prendre les financements sur les ressources existantes. Pfff, c’est d’un commun entend-on penser.
Merci. Au revoir.
C’est sûr que quand c’est le président de la SNCF qui est auditionné quelques jours plus tard, ce n’est pas un pitch. C’est un speech. C’est intéressant, l’homme est un esprit brillant. Il explique le redressement engagé par le groupe, et son souci de ne pas s’endetter. Mais pourquoi est-il allé se perdre à nouveau dans la taxe poids lourds ? Il semble qu’il lui manque un milliard par an. L’Etat ne peut pas lui donner ?
Toujours derrière, ce même problème qui hante tous les ateliers : des sous, de l’oseille, du blé. Le niveau de prélèvement atteint des records quasi-mondiaux dans notre pays, mais il n’y a d’argent pour rien, et encore moins pour financer les infrastructures et les mobilités.
À un mois de la fin programmée de ces travaux, chacun redoute une issue insatisfaisante, une absence d’arbitrage politique, et le risque d’un « tout ça pour ça ».
Alors on se reverra dans quelques années pour encore et toujours aborder les mêmes sujets, sans y apporter plus de solutions.
Avec l’expérience acquise, nous reviendrons faire un « pitch » qui tiendra, cette fois-ci, le temps de la montée de l’ascenseur de la copro (même avec le voisin grincheux) et qui s’inspirera de la plaidoirie d’un avocat à qui on avait demandé de « faire court » :
« Lui tort, moi raison. Toi bon juge ».