Paradis perdus

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Paradis perdus

Il est curieux de voir, à l’occasion d’une bourde d’une Ministre, une intuition latente se confirmer. Il s’agit bien sûr de la sortie de la Ministre du logement sur le fait que la maison individuelle n’était pas un modèle soutenable en termes d’écologie. Elle a évidemment rétropédalé devant la levée de boucliers (gaulois ?) qui a suivi.

Cependant ces réactions étaient peu étonnantes quand on sait que 75% des Français aspirent à vivre dans une maison. La situation est l’illustration de la manière dont nous gérons les villes aujourd’hui et dont nous envisageons de les aborder demain.

Il y a notamment cet emballement autour des « smart cities ». Ce concept que l’on traduit par « ville intelligente » (et non pas « ville chouette » comme pourrait le laisser penser une traduction trop rapide de l’anglais, quoique…).  

Selon la définition de la CNIL, cette approche de développement urbain vise à « améliorer la qualité de vie des citadins en rendant la ville plus adaptative et efficace, à l’aide de nouvelles technologies qui s’appuient sur un écosystème d’objets et de services. ». Mazette... encore une définition super compréhensible…

Cela inclut les infrastructures publiques (bâtiments, mobiliers urbains, domotique, etc.), les réseaux (eau, électricité, gaz, télécoms), les « e-services » et « e-administrations » (!) et évidemment, les transports (transports publics, routes et voitures intelligentes, covoiturage, mobilités dites douces...). On a juste oublié les questions de propreté et les vignettes Crit’air.

Pas une semaine ne se passe sans qu’on aborde ces « villes de demain » et leurs corollaires inévitables : congestion, qualité de l’air, livraison urbaine. De multiples cabinets, consultants, experts, écrivent et interviennent sur ces questions.

Mais la crise sanitaire est passée par là, accentuant une tendance qui pointait son nez depuis longtemps. Les habitants quittent les grandes villes pour retourner dans des villes plus petites ou encore plus loin, à la campagne.

L’urbanisation d’aujourd’hui résulte de la révolution industrielle du XIXème siècle d’une part, et d’autre part l’extension de banlieues, parfois dortoirs, entre 1950 et 1970. Et cette dernière, on le sait maintenant est carrément un échec.  

On a attribué faussement à Alphonse Allais la phrase « Il faudrait construire les villes à la campagne, l'air y est plus sain » (Il semblerait qu’elle soit de Jean-Louis Auguste Commerson, nettement moins connu, il faut l’avouer). Le moins qu’on puisse dire c’est que c’était quand même frappé au coin du bon sens.

Nombreux sont ceux, aujourd’hui, qui caressent le rêve d’un retour à une vie plus simple, moins trépidante, voire d’un retour à une nature idéale où on cultiverait son potager, en toute autonomie.

Comme l’expression du souvenir de paradis perdus quand notre pays, majoritairement agricole, était constitué de ces villages, avec leurs mairies, leurs clochers, leurs écoles communales et de petits commerçants.

Une illusion ? Peut-être oui. Peut-être non. En tout cas, un clivage qui se recréée, entre ceux qui misent tout sur des mégalopoles hyperconnectées, et d’autres qui veulent tout bonnement respirer. Chacun son paradis

Un vieux proverbe médiéval disait : « Vis à la campagne pour toi au lieu de vivre à la ville pour les autres ». Un nouveau modèle est sans doute à créer entre la smart city et une ruralité bien plus exigeante qu’on ne le croit.  

Et qu’on le veuille ou non, la question du transport (des personnes et des biens) y sera totalement centrale.

Florence Berthelot

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