Où cours-je ?

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Où cours-je ?

Depuis les annonces du Premier Ministre évoquant un nouveau confinement, une interrogation vous saisit : si on peut sortir autant qu’on veut, pourquoi une attestation ? Une carte d’identité ou un justificatif de domicile suffit pour prouver que vous êtes à moins de 10 km de chez vous. Rien ne vous oblige à dire pourquoi vous êtes dehors.  

Une idée vous traverse l’esprit (qui d’ailleurs a été reprise par quelques plaisantins sur Internet ensuite) : prendre un bout de papier et écrire dessus : « Je sors ».  

D’ailleurs, et les médias se sont bien gardés de relayer cette information importante, le Conseil d’Etat par un arrêt du 22 décembre 2020 a bien déclaré que demander une forme particulière d’attestation lors du premier confinement était illégal !

A priori quand on a un peu de bon sens, c’est relativement évident. Sauf que tout le monde perd la tête et oublie le sacro-saint principe « tout ce qui n’est pas interdit est permis ». Aujourd’hui, signe des temps, on en serait presque à demander le texte qui vous autorise à …

Alors évidemment, quand le modèle de la nouvelle attestation est sorti, on découvrait des choses surprenantes : on pouvait circuler dans un rayon de 10 km mais aussi de 30 km quand il s’agissait d’aller dans un magasin spécifique ou qu’on était limitrophe d’un département non confiné. A condition de ne pas emmener son chien qui lui, n’avait droit qu’à un 1 km de promenade.

Il est rapidement devenu flagrant que tout cela n’avait strictement aucun sens. Autant l’attestation avait une valeur quand il s’agissait de savoir si vous étiez dans un délai d’une heure, autant quand il n’y a plus de limite de durée, la police n’a pas besoin de savoir si vous allez chez le coiffeur (ouvert), l’esthéticienne (fermée), le « disquaire » (ouvert) ou le magasin de jeux vidéos (fermé puis ouvert).

Ce goût français et administratif pour « le papier » est pénible et en plus il oblige, de manière totalement anti-écologique, à couper des arbres !  

Cependant, ce n’est pas fini. Pour « forcer » au télétravail, on apprend que les TPE et PME (celles qui restent ouvertes on imagine ? Quoique ce ne soit pas dit !) devraient peut-être établir « un plan d’action pour réduire au maximum le temps de présence sur site, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise, à présenter à l’inspection du travail en cas de contrôle. »  

Décidément, il y a un génie secret qui sévit encore quelque part : les entreprises se battent pour survivre et on leur demande un « plan » pour le télétravail à présenter en cas de contrôle. On imagine bien (voire même très bien…) la réaction de certaines TPE du transport et de la logistique (et pas que des TPE d’ailleurs) qui vont être obligées de se tartiner des pages de prose pour expliquer que les conducteurs qui effectuent des livraisons, ou les personnels qui préparent des commandes ne peuvent pas le faire de chez eux.

On pourrait proposer un document à télécharger avec des cases à cocher ? Ou à l’instar de ce lycéen qui dissertait au Bac sur l’audace, en rendant une copie blanche avec cette simple phrase « l’audace, c’est ça », rendre un rapport avec la mention « vous n’avez vraiment rien d’autre à faire pour endiguer l’épidémie ? ».

Sans doute la fatigue, la lassitude, on en viendrait presque à se fâcher. Dans quel état j’erre… ?

Florence Berthelot

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