Les tournesols

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Les tournesols

Le peintre Van Gogh consacra plusieurs de ses toiles aux tournesols. La recherche de la bonne couleur en était devenue une obsession quasi mystique. La légende veut qu’il atteignît ce qu’il appela « la haute note jaune » durant une nuit agitée pour ne plus vraiment parvenir ensuite à la retrouver.

Qui aurait cru que ces fleurs reprendraient à notre époque une telle actualité loin des musées mais bien comme l’illustration des problématiques économiques de notre temps ?

La pénurie d’huile de tournesol fait l’actualité : cela amuse parfois mais rend surtout perplexe. On nous montre des images d’étals vides et les magasins limitent l’achat à deux ou trois bouteilles.

En cause, la guerre en Ukraine, ce pays étant le premier producteur du produit, la Russie en étant le deuxième. Admettons.

Cependant, en cherchant un peu (il faut toujours chercher et ne pas se contenter de ce qu’on nous raconte), c’est tout de même moins évident que cela.

Ainsi, en France, on consomme 800 000 tonnes d’huiles végétales par an : du tournesol, de l’olive, du colza et bien d’autres.

Les chiffres de la production nationale sont assez difficiles à trouver mais quand on y parvient on s’aperçoit que l’on produit trois fois plus d’huiles que l’on en consomme, et que, même pour le tournesol, la balance production/consommation est excédentaire. 

Curieusement, des pays moins producteurs d’huile de tournesol semblent moins impactés. Serait-ce à dire que certains feraient leur beurre ? (oui c’est facile mais c’était proprement irrésistible !)

Peut-être ou peut-être pas. Le même phénomène peut être constaté pour d’autres produits : nous sommes sur un marché mondial et ce qui est produit dans un pays n’est pas forcément destiné à un marché local. On peut trouver cela aberrant mais c’est ainsi.

Ce n’est pas nouveau : il y a déjà une vingtaine d’années, il était difficile de trouver du pain de qualité dans la belle région céréalière de la Beauce pourtant couverte de champs de blé. En interrogeant les boulangers, on apprenait que l’on importait… de la farine du Canada.

Pour l’huile, ce qui est embêtant, c’est que cette pénurie sur un produit pourrait avoir des conséquences sur la transition énergétique car les bio-diesels sont issus d’huiles végétales. Et il existe un débat assez houleux sur ces biocarburants dont certains redoutent qu’ils pourraient « empiéter » sur l’alimentation humaine. Rassurons-nous, le B100 qui a la cote avec de nombreux transporteurs est produit à partir de colza et, a priori, il n’y a pas (encore) de pénurie de ce côté-là. Et demeure bien vivace la filière de production à partir de déchets (bioGNV et XTL notamment) qui indiscutablement a de l’avenir.

Cependant, si demain l’embargo sur le pétrole et le gaz russes devait devenir effectif (et faute de sources alternatives d’approvisionnement), nous aurons à faire face à des difficultés considérables.

On ne parlerait même plus de transition énergétique mais peut-être de décroissance. 

Essayons de rester positif : il parait que les tournesols regardent toujours vers le soleil (même si ce n’est pas tout à fait vrai).

Florence Berthelot

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