Le nerf de la guerre

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Cette semaine, le Gouvernement a fait plusieurs annonces qui interpellent : l’arrêt (après un mois et demi) du leasing social de 100 euros par mois pour les particuliers (sous conditions), l’arrêt du bonus écologique pour les véhicules d’entreprises, un gros rabot sur la prime à la conversion comme sur le bonus automobile.

On peut le présenter de toutes les façons vertueuses et notamment dans le jargon pour des raisons « d’écoconditionnalité » (en gros ne favorisons pas les voitures électriques chinoises), il n’en demeure pas moins que la seule vraie raison c’est que l’Etat voit bien que la transition énergétique coûte « un pognon de dingue ». Pardon, l’Etat voit que cela coûte cher.

En fait cela coûte cher à tous les étages, au point même qu’on en percevrait des contradictions. Car si ces mesures sont abandonnées ou réduites, c’est en raison de l’engouement des consommateurs vers les motorisations électriques. Ce qui, en soi, peut être perçu comme une bonne nouvelle.

Mais ça, c’est à l’acquisition. A l’usage, c’est peut-être différent. Pour preuve, on regardera de l’autre côté de l’Atlantique, l’attitude des géants de la location automobile. L’un d’entre eux annonce se séparer du tiers de sa flotte électrique en vue d’un remplacement par des véhicules thermiques. En cause, le coût des réparations beaucoup trop élevé, et aussi la perte financière trop importante en cas de revente.

Cela interroge car au-delà du leasing social, le recours à la location est bien considéré comme une piste sérieuse pour utiliser des véhicules dits « 0 émission » (sauf que le 0 émission ça n’existe pas mais c’est une autre histoire). Or, si les loueurs ne s’y retrouvent pas financièrement, si l’Etat ne peut pas tout financer, alors revient cette question lancinante « qui va payer ? ».

C’est bien le nerf de la guerre qui est au cœur du débat. Rappelons que lors de la remise de la « feuille de route de décarbonation des véhicules lourds » remise en mai 2023 aux Ministres en charge, l’estimation du besoin de financement à horizon 2040 était de 53 milliards d’euros.

Et on avait averti : on est sur la fourchette basse. Car depuis, les ambitions ont été relevées, et donc les besoins de financement sont supérieurs.

Aujourd’hui, à part les appels à projets annuels qui permettent d’aider les entreprises qui déposent un dossier de bénéficier de possibles d’aides à l’acquisition, et sur des enveloppes, là aussi, limitées, il n’y pas de dispositifs de bonus, ou autres.

Or, les capacités d’investissements sont étroites surtout en période de ralentissement économique, et elles seraient encore réduites si la fantaisie prenait le législateur d’augmenter la fiscalité sur le carburant ou de favoriser des éco-taxes régionales. Comprenne qui pourra.

Les clients du transport routier devront prendre leur part. Sans demander « toujours plus vert » et en même temps « toujours moins cher ».

Ce ne sera clairement pas possible.

Maintenant on peut toujours se dire que si chacun fait un effort, l’Etat, les constructeurs, les clients, et les transporteurs, on va peut-être y arriver.

Mais ce n’est pas certain du tout. Peut-être que les efforts devront être si importants, peut-être que les sommes en jeu seront tellement inaccessibles qu’il faudra totalement revoir la stratégie et les trajectoires.

Là, il y aurait vraiment de quoi perdre ses nerfs.

Florence Berthelot

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