Le champs de patates
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Il y a des cas où vous ne pouvez pas vous empêcher de repenser à des histoires édifiantes que l’on vous a racontées. Dans un très ancien temps (que je n’ai pas connu n’en déplaise à ceux qui pensent que j’ai 100 ans), on appelait cela des leçons de morale.
En l’occurrence, nous préférerons le joli mot d’ « allégorie ». L’histoire en question se passe dans le monde agricole. Un agriculteur (le vrai mot original, c’est paysan mais il semble que l’on n’ait plus le droit de le dire), voyant qu’il ne gagnait pas sa vie avec sa production de choux, se mit à cultiver des pommes de terre. Ce doit donc se passer en Bretagne même si l’histoire m’a été racontée par une Normande.
(Là, vous mettez un peu d’ambiance en demandant où se situe le mont Saint-Michel.)
Bref. Étant le seul à produire des patates, il vendit très bien sa première récolte. Au point de susciter l’envie de ses voisins qui se mirent eux aussi à produire des pommes de terre. Et évidemment, ce qui devait arriver arriva : trop de pommes de terre en vente, les prix s’effondrèrent et tout le monde s’appauvrit.
C’est curieux comme cela pourrait s’appliquer à de très nombreuses situations : évidemment dans le monde agricole mais également dans le transport, et même figurez-vous dans les organisations professionnelles.
Le danger, quand on perd sa spécificité ou que l’on veut absolument faire comme le voisin ou le concurrent, c’est que, si dans un premier temps cela pourrait paraître stimulant, au final cela devient contreproductif.
Les producteurs s’appauvrissent. Les clients y gagnent dans un premier temps avant de perdre en qualité. La course au « toujours plus » ou « au moi aussi je sais le faire » finit toujours assez tragiquement.
Cela colle assez bien avec le thème abordé à Rungis par l’AFTRI et TRANS.EU sur le transport routier international et la souveraineté alimentaire, lors d’un intéressant round de conférences.
On se dit que si on en vient à importer de la farine (si, si) qui en plus sera transportée par des entreprises européennes mais pas françaises, on ferait peut-être mieux d’aller planter des choux de Bruxelles. Ou des patates.
Ou, si on veut s’en sortir, des légumes aujourd’hui introuvables, en espérant qu’un restaurateur audacieux les proposera à sa carte à des clients fortunés.
C’est comme ça que se terminent les histoires que l’on raconte aux enfants. Ou dans les écoles de commerce.
Et je vais arrêter de dire comprenne qui pourra…
Florence Berthelot