La main innocente

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La main innocente

« Et celle-là, c’est pour qui ? » « Pour Maman ! » clame une petite voix sous la table. Cette scène familière et familiale de la fête de l’Epiphanie rappelle bien des souvenirs à certains. La tradition veut que lorsqu’on partage la galette des rois (le gâteau ou la brioche des rois dans le Sud), c’est le plus jeune, à l’aveugle, qui détermine l’attribution des parts aux convives. La voix de l’innocence dans un tirage au sort. (Innocence relative tout de même au regard de la fâcheuse habitude des gamins d’essayer de repérer, avant, où est cachée la fève…).

Il semble qu’à défaut d’une Epiphanie (révélation), la décision politique s’en remette désormais à un tirage au sort permanent. 150 citoyens « tirés au sort » pour proposer des mesures en matière agricole, 35 pour déterminer la stratégie vaccinale, et bien entendu les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat.

Qui tire au sort et comment ? Mystère. Sans jamais avoir rien compris aux probabilités, on peut s’étonner qu’il n’y ait aucun médecin dans le groupe « vaccin », aucun agriculteur dans le groupe « politique agricole » et aucun transporteur ou salarié du transport dans la Convention citoyenne.

Il faut croire que le hasard fait bien (ou mal) les choses. Apparemment, il vaut mieux se fier à des personnes qui ne savent rien du sujet. Des innocents en somme.

Désormais, devant un problème difficile, la réponse étatique est « Plouf, Plouf » (c’est toi qui sera le chat). Ce qui pose quand même quelques questions dans un pays démocratique où les élections servent à choisir ceux qui seront en charge de prendre des mesures dans l’intérêt général.

A moins, à moins… que derrière cette délégation au destin, on permette à d’autres personnes (plus ou moins légitimes ou plus ou moins triées sur le volet) d’orienter les débats et les propositions finales de façon à se dédouaner et d’affirmer « ce n’est pas moi qui ait décidé, ce sont ces personnes innocentes mais si pleines de bon sens ».

Cela témoigne soit d’une impuissance, soit d’un manque de courage politique, soit au contraire d’un redoutable sens de la communication.

Mais dans tous les cas, on est bien loin de la concertation avec ceux qui, eux, connaissent les sujets. Ce qui finit par conduire à des aberrations.

La Convention citoyenne avait été installée pour répondre aux Gilets Jaunes qui déploraient qu’on s’occupe plus de la fin du monde alors qu’ils ne pouvaient pas assurer la fin du mois. Et les propositions qui en ressortent vont générer pour la plupart un alourdissement des prélèvements fiscaux, et (ou) une inévitable augmentation des prix.

Peut-être que tout ça est parfaitement logique en fait : on tire au sort pour finalement récupérer la galette. Mais au bout du bout, tout le monde restera sur sa faim.

Florence Berthelot

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