La couleur des lignes

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La couleur des lignes

Les cinéphiles connaissent des lignes de couleur : « La ligne verte » ou « La ligne rouge ». Au demeurant, ce sont deux magnifiques films.

Malheureusement, il va falloir inventer de nouvelles teintes. Comme la ligne écarlate (rouge pour le préfet de Police de Paris) enfin évoquée après des jours sans poser la limite à des professions mécontentes qui annoncent des blocus de villes, de capitale ou de marchés d’intérêt national. On a quand même franchi un certain Rubicon.

Pourquoi pas la ligne violette aussi quand on laisse, en toute impunité, des camions français et étrangers se faire piller la cargaison sous l’œil désespéré des conducteurs qui en ont la responsabilité, conducteurs qui se font ailleurs soit malmener soit bloquer des heures, des jours loin de chez eux et sans accès à des sanitaires ou à de la nourriture ? Est-ce normal qu’on ne prenne même pas leurs plaintes ?

Pourquoi pas la ligne noire quand des entreprises ne peuvent plus du tout circuler car les Préfectures ont pris par précaution des arrêtés d’interdiction sur des centaines de kilomètres de routes et d’autoroutes ? Ou que des blocages paralysent là une route, ici une plateforme logistique, plus loin un dépôt pétrolier.  Certains jours, des départements entiers sont devenus inaccessibles aux poids lourds.

Est-ce si compliqué de laisser une voie d’entrée et une voie de sortie sur les autoroutes pour éviter que les camions n’empruntent des itinéraires secondaires parfois dangereux et, de toutes façons, saturés ?

Et pire encore cette ligne noire qui serait le liseré de faire-part de décès d’entreprises à l’agonie. Combien ne passeront pas le mois qui vient tant les mouvements en cours viennent fragiliser un peu plus une situation économique largement dégradée du fait du ralentissement d’activité et de la baisse des volumes ?

Et pendant ce temps-là, la presse ou d’autres s’interrogent : « Vous y allez ? Vous n’y allez pas ? ». A part exprimer un mécontentement qu’aucune solution gouvernementale ne pourra jamais combler, à part exprimer une solidarité mais qui sera déçue à un moment donné, à part se dire qu’on n’a rien à perdre alors qu’on n’a rien non plus à gagner ?

Là, on n’est plus sur une ligne mais sur un fil.

Dans un film, il y a toujours ce moment où pour désamorcer la bombe, on se demande s’il faut couper le fil jaune ou le fil vert.

Là, on a besoin de couper tous les fils au risque d’une situation explosive.

Florence Berthelot

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