Hercule avance

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Hercule avance

Il est des sujets dont la plupart des gens se moquent éperdument et qui sont pourtant très engageants.

Passant inaperçu au milieu des débats interminables (et peu constructifs) sur l’épidémie, le projet « Hercule » ne suscite pas l’engouement des foules.

Considéré vaguement comme une réorganisation d’EDF à laquelle s’oppose les syndicats de l’entreprise, le sujet est pour l’instant réduit à une opposition classique entre le conservatisme allégué de quelques-uns d'une part, et les tenants de toujours plus de libéralisation (se basant d’ailleurs sur les injonctions européennes) de l’autre.

Pourtant nous devrions tous être attentifs car cela concerne l’électricité, l’énergie la plus indispensable à notre économie et à la société, son prix, et aussi une question de souveraineté.

A l’heure où, à tort ou à raison, le véhicule électrique est considéré comme l’alpha et l’oméga de la transition écologique, il est capital de s’intéresser au sujet.

Le projet vise à scinder EDF en deux voire trois entités : « EDF Bleu » gérant les activités nucléaires, « EDF Vert », ouvert à des capitaux privés, qui rassemblerait le réseau de distribution, Enedis, les énergies renouvelables et la fourniture d’électricité, « EDF Azur » gérant les activités hydrauliques.

Les couleurs sont jolies mais le tableau se noircit quand on prête attention à EDF Vert. Cette entité serait ouverte à des investisseurs privés : cela signifierait tout simplement qu’EDF pourrait revendre l’intégralité de l’électricité produite (aujourd’hui elle ne peut revendre que 25% de sa production) à des fournisseurs d’énergies privés.

C’est là que les parangons de l’ouverture à la concurrence s’enthousiasment : « La concurrence c’est bien, la concurrence est bonne pour le consommateur, la concurrence fait baisser les prix ». Vraiment ? Depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en 2007, le prix moyen des factures a augmenté de plus de 60% !

Si la distribution doit désormais intégralement être privatisée, quel sera l’impact en termes de coûts pour les consommateurs que nous sommes tous ? Une chose est certaine, les factures ne baisseront pas. Le marché est juteux et captif.

D’autant plus qu’à nous orienter vers les véhicules légers et lourds électriques, déjà plus chers, personne n’est capable de nous affirmer que le prix de l’énergie ne va pas grimper de manière exponentielle.

Alors indiscutablement, il faut se pencher avec sérieux sur le sujet. Car une question de fond demeure et elle est d’importance. L’accès à l’énergie, l’accessibilité de l’énergie est un droit fondamental. Evoquer la concurrence sur ce qui devrait être un pur service public mène à des aberrations au profit de certains, et au détriment d’un grand nombre.

On rétorquera que l’entreprise actuelle (dont l’Etat est l’actionnaire principal) est trop endettée. Apparemment la seule solution dès qu’on est endetté serait d’abandonner sa souveraineté. Attention à ce raisonnement. Car si cela est considéré comme valable pour une entreprise, il n’y aurait qu’un pas pour l’appliquer aussi aux Etats eux-mêmes…

Florence Berthelot

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