Le temps des moissons

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Le temps des moissons

Chaque famille a ses anecdotes et ses histoires. En voici une qui date d’il y a quelques décades et qui met en scène un ami proche (hélas disparu). Cet avocat flamboyant avait acheté une propriété en Eure et Loire, à la limite du Perche. La précision géographique est importante car nous sommes dans la Beauce et ses champs de céréales à perte de vue. A ses heures perdues, il se la jouait « retour à la nature », (comme quoi ce n’est pas nouveau) élevant chevaux, moutons et chèvres, tentant de fabriquer son fromage (expérience clairement ratée), et… cultivateur. Il avait ainsi un champ où il avait décidé de faire comme tout le monde, c’est-à-dire du blé (au sens littéral). Le temps des moissons venu, le voilà parti à louer la « moiss’bat » comme il disait (comprenez la moissonneuse-batteuse). Après quelques heures de prise en main, il grimpa dans l’engin et fit des allers-retours dans le champ pour couper les épis. En sueur, les manches de chemise relevées, il remarqua en lisière du champ un agriculteur qui le regardait perplexe. « Ah ! Ah ! » se dit-il « il croit que parce que je suis parisien, je ne saurais pas moissonner ! ». Et sous le soleil ardent de juillet, par une chaleur accablante, il tourne furieusement le volant en bout de pré et fait ses lignes de moisson, d’un air quasiment revanchard, tout fiérot de montrer que « lui aussi était capable ». Imperturbable, l’agriculteur le regarda faire toute la journée.

Notre ami Robert (oui, il s’appelait Robert), la tâche achevée, descendit de la « moiss’bat », sans vouloir montrer son épuisement, et lança, bravache « vous avez vu hein ? Pas mal pour un parisien ! ». L’agriculteur le considéra un instant et lui dit « oui effectivement. Y a qu’un problème… ». Robert regarde son travail, les bottes de pailles bien alignées, et s’étonne. « Quel problème ? » finit-il par demander. « En fait… vous avez moissonné mon champ ». A chaque fois que nous nous racontons cette histoire, nous nous tordons de rire. En plus avec Robert, il y en avait des dizaines comme ça. Bref, les lecteurs habitués se demandent certainement où je veux en venir. C’est une allégorie. Premier enseignement, on n’oublie jamais les bons amis. Deuxio, on a raison de dire que nous ne retiendrons de la vie que les moments de folie. Et enfin, ça ne sert à rien de faire le malin dans un domaine quand on n’y connaît rien. C’est vrai pour le transport…ou pour l’écologie…

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