La loi de la jungle… urbaine

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La loi de la jungle… urbaine

« A Paris, en vélo, on dépasse les motos ».  C’était une célèbre chanson de Joe Dassin qui prétendait cela. La réalité est tout autre dans le cas de la livraison à domicile. Et pas qu’à Paris.

C’est fou ça… Quand ce sont les représentants de la Profession qui alertent et qui dénoncent depuis des années sur les possibles dérives d’un système, les interlocuteurs institutionnels écoutent d’une oreille distraite tout en pensant « encore du corporatisme ». Mais quand les médias s’en mêlent et notamment une radio publique, cela devient une autre histoire. Nous vivons dans une époque de communication.

Ainsi France Info s’est livrée à une grande enquête sur les plateformes de livraisons de repas à domicile et sur les conditions de travail et de rémunérations des livreurs (notons qu’ils n’ont pas le statut de salariés mais bien d’auto-entrepreneurs). Le constat, des prix de course à la baisse, et pour cela, des livreurs qui abandonnent le vélo (si écologiquement compatible) au profit du scooter. Une concurrence féroce, des verbalisations, et littéralement une course pour disposer de revenus à peine décents.

On souligne même que tant pour des raisons de confort que de rentabilité, certains ont abandonné le deux-roues motorisé pour… la voiture.

Comme quoi, ce qu’on appelle un « mode doux » peut être aussi perçu comme un facteur de pénibilité au travail.

Depuis longtemps, la Profession a souligné que, quel que soit le mode utilisé, tout cela était du transport et que cela supposait une réglementation adaptée. Non seulement pour une concurrence vis-à-vis d’entreprises qui faisaient du transport comme M. Jourdain faisait de la prose, mais aussi dans une approche sociale pour les personnes qui font le job.

Les partenaires sociaux de la branche transport se sont emparés du sujet depuis des années, en prévoyant formations et quelques normes.

Mais dans la « start-up nation », plutôt que de s’appuyer sur l’existant (notamment rattacher les opérateurs soit au statut de commissionnaire, soit au statut de transporteur et appliquer la convention collective), on a préféré créer encore un statut intermédiaire. Et plutôt que de considérer les livreurs comme des salariés, on a préféré aussi les laisser comme pseudo entrepreneurs avec la possibilité néanmoins, à compter de 2022, d’élire des représentants syndicaux.

Demain, on regardera tout cela avec fatalisme et tristesse. On passera devant les fast-foods après l’heure de couvre-feu avec ces files de scooters attendant les repas à livrer. On saura qu’il y a même parmi ces livreurs, des sous-traitants d’autres, dûment inscrits sur les plateformes, et qui seront encore moins bien payés. On devinera qu’en cas d’accident, tant le dommage à la personne qu’au véhicule, ce sera pour leur pomme.

Et pendant ce temps, nombreux seront ceux qui chez eux, confinés, pesteront contre le bruit, la pollution ou le réchauffement climatique, sans même se rendre compte que la pizza ou le burger qu’ils viennent de se faire délivrer (en 30 minutes chrono) coûtent beaucoup plus cher que les quelques euros qu’ils ont déboursés pour cela.

Vous voyez bien : ce qu’on a voulu appeler « corporatisme » n’était que de l’anticipation de ce qui arrive quand il n’y a plus de règles, ou que celles-ci ne s’appliquent qu’à quelques-uns.

Le transport c’est un métier.

Florence Berthelot

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