Cet exaspérant petit sourire en coin
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Croyez-le ou non, il existe des lecteurs assidus de ces éditos. Pour peu que vous restiez deux semaines sans en publier un, il arrive que vous receviez des messages évoquant des suppositions sur le thème qui serait abordé lors de la prochaine édition.
« Je suis sûr que vous allez parler de la conférence de financement des infrastructures » ou « Allez-vous évoquer les ponts à répétition du mois de mai ? » ou encore les ZFE ? En fait, les sujets ne manquent pas.
Plus sérieux que de deviner sur quel sujet portera l’édito hebdomadaire, le sentiment d’une certaine prévisibilité quant aux positions de la FNTR sur tel ou tel dossier. C’est assez flagrant quand justement vous vous retrouvez dans le microcosme du transport pour l’ouverture de la fameuse conférence de financement (voilà !).
Pour peu que vous commenciez à dire qu’il ne saurait être question de créer des taxes en plus dans la mesure où déjà beaucoup d’argent est collecté au titre des péages, de la TICPE, de la taxe à l’essieu ou du versement mobilité, ou encore qu’on peut parler toute la vie de report modal sur le rail ou le fleuve, cela ne suffit pas à faire avancer le schmilblick.
Pour peu que vous protestiez parce que l’on a logé les représentants du transport routier de marchandises dans l’atelier « décarbonation » et pas dans l’atelier « infrastructures routières » qui parle de la fin des concessions et de l’entretien du réseau non concédé, vous allez forcément voir s’afficher sur le visage d’un de vos interlocuteurs, cet exaspérant petit sourire en coin qui signifie « vous êtes tellement prévisibles ». Sous-entendu, vous êtes tellement prévisibles à la FNTR.
Eh bien oui ! On assume cette prévisibilité. Car on peut faire comme si de rien n’était, organiser deux mois de réunions en disant « mais non, rien n’est décidé d’avance », cantonner les représentants du transport routier de marchandises dans un groupe, pendant qu’un autre ne manquera pas d’évoquer écotaxes et autres fantaisies (on aura quand même le droit d’être auditionné, qu’est-ce qu’on a comme chance.. !), nous ne sommes pas dupes deux minutes. On a des précédents et cela s’est toujours traduit par soit des rabots de ristourne soit des taxes en plus.
Souriez chers amis (ou pas). Si vous saviez le nombre de fois que l’on nous a dit que nous ne défendions que des causes perdues alors que nous les avons (presque) toutes gagnées… Que ce soit sur ce sujet, ou sur les ZFE qui nous ont valu un moment émouvant le 12 mai au « Roquelaure de la qualité de l’air » où en substance : qu’est-ce qu’il manque ? Eh bien de l’argent, de l’argent et encore de l’argent.
Ah oui… les plus modestes ne peuvent changer de véhicules pour entrer dans les ZFE que si on donne des subventions. Mais celles-ci ont été réduites. Ah ! Si on les finançait par l’argent du bonus-malus écologique ? Stupeur, sur un milliard d’euros collecté, seuls 400 millions sont réemployés à cet effet.
Et les 30 milliards de TICPE ? Au moins plus des deux-tiers tombent dans l’escarcelle de l’État alors qu’il y aurait là de quoi financer significativement les infrastructures. Non, car il paraît (c’est la rumeur qui court) on aurait un gros problème de finances publiques.
Et les 12 milliards de péages acquittés tous usagers confondus ? Comment a-t-on pu laisser filer cette manne ? (Le seul qui s’était opposé à la privatisation des sociétés d’autoroutes en 2005 était un certain… François Bayrou.).
<Donc si certains veulent continuer d’afficher cet exaspérant petit sourire en coin, qu’ils le fassent. Car si nous sommes à ce point prévisibles, ils doivent savoir que généralement on arrive toujours à balayer leurs certitudes.
Mais toujours avec le sourire.
Florence Berthelot